L’art-thérapie, un outil d’expression puissant

Depuis le succès phénoménal des coloriages pour adultes, nous ne cessons d’entendre parler des bienfaits de l’art en tant qu’outil de développement personnel. On en oublierait presque que l’art-thérapie est utilisée en accompagnement psychiatrique depuis des années. Pour nous en parler, Boushra Benyezza, art-thérapeute diplômée en France, qui anime un atelier à l’hôpital psychiatrique de Casablanca.

En quoi consiste l’art-thérapie ?

Comme le nom l’indique, ce terme englobe, en psychiatrie, toutes les activités qui sont des moyens d’expression de l’inconscient des patients. Peu importe qu’ils sachent lire ou écrire et quel que soit leur âge ou leur situation, le fait qu’ils soient devant une feuille vide et qu’ils expriment ce qui leur passe par la tête, donne libre cours à leur inconscient. il y a bien sûr la notion de bien-être qui vient avec toute activité artistique mais cela va plus loin. A l’hôpital, nous ne sommes pas dans l’occupationnel. Les patients sont d’abord là pour dire, pour verser, pour vider et je suis avec eux pour les accompagner.

Comment se passe concrètement une séance ?

Les séances sont collectives et durent entre 45 minutes et 1 heure, durant lesquelles nous faisons du dessin, de la peinture, de l’écriture, du théâtre,… Chacun est seul devant sa feuille, il dessine ou écrit ce qui lui vient. Je passe chez chacun d’eux pour des entretiens individuels puis nous nous réunissons, par groupe de 5 maximum, et je donne le choix aux patients de parler et d’aborder le sujet qu’ils veulent (eux-mêmes, quelque chose qui se passe dans le service, etc). Les séances collectives sont intéressantes car elles permettent de créer des liens ou… non.

Vous inscrivez-vous en accompagnement du psychiatre traitant ?

il y a toujours réunion et suivi avec le psychiatre. Mais je porte naturellement un regard différent sur les participants aux séances. ils ne sont pas des patients que je suis avec un traitement. En tant qu’art-thérapeute, je ne les juge pas. Sur base de la matière qu’ils ont créée, de ce que l’inconscient a dit, je les accompagne pour qu’ils se racontent mais chacun trace lui-même sa route. Lorsqu’il y a délire ou incohérence, je le note. L’art-thérapie participe à guider le traitement. il m’arrive de détecter qu’une personne est en plein virage maniaque ou qu’elle a des idées suicidaires qui ne se sont pas exprimées durant les consultations. Je donnerais le cas d’une femme extrêmement triste et renfermée qui, avec de la terre, a réalisé sa propre tombe (en inscrivant même son nom dessus). La preuve par la matière de sa grande dépression.

L’ART-THÉRAPIE NÉCESSITE-T-ELLE VRAIMENT UNE FORMATION SOLIDE ?

Lorsque l’on aborde des problèmes psychiatriques, absolument. On en appelle à l’inconscient, un terrain dans lequel il faut s’aventurer sur la pointe des pieds. Pour suivre une formation d’art-thérapeute reconnue par l’etat , il faut être artiste mais aussi diplômé en psychologie. Si des pathologies graves sont exprimées, il faut être armé des connaissances pour les reconnaître et savoir les appréhender. Dans le même temps, l’art-thérapie a ses limites. Par exemple, il m’est impossible de gérer des psychotiques qui brisent les crayons et se font du mal avec. Par contre, j’ai pu récupéré une femme qui était en grande difficulté et était suivie par une soit-disant art-thérapeute. On ne peut soigner la dépression ou l’anorexie par des séances de dessins mandala! L’art-thérapie en tant qu’activité occupationnelle peut faire du bien et participer à l’épanouissement personnel mais ne peut gérer une profonde souffrance intérieure.

 

Source: FA

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