Quelques semaines seulement nous séparent du mois sacré de Ramadan. Un nouveau rythme de vie va s’installer, notre schéma alimentaire va changer et nos heures de sommeil vont diminuer. Quel impact tout cela peut-il avoir sur notre comportement ? Cela dépendra de chacun, avancent les scientifiques qui ont planché sur l’effet du jeûne sur notre quotidien.

Les vertus du jeûne sont incontestables. Cela a été prouvé scientifiquement et nombreux sont aujourd’hui les médecins et les nutritionnistes qui préconisent le jeûne, même en dehors du contexte cultuel, pour «détoxifier» l’organisme, évacuer le stress et se purifier des pollutions de la vie quotidienne et de la surabondance de nourriture.

Cependant, chez certaines personnes, un changement de comportement se déclenche dès les premiers jours du jeûne : tempérament bagarreur, baisse de productivité, mauvaise humeur, irritabilité, prise de poids importante, manque de vigilance…Cela s’explique, selon les chercheurs qui ont étudié la question, par les effets du changement des horaires de la prise alimentaire sur les paramètres physiologiques et comportementaux. Pr Rachida Roky, Professeur chargé de cours spécialisée en neurosciences à l’université Hassan II de Ain Chock estime que les effets chrono-biologiques peuvent «induire une diminution quantitative et qualitative du sommeil, ce qui pourrait affecter à son tour négativement la vigilance diurne et les performances physiques et psychomotrices».

Manque de sommeil et performances physiques

L’augmentation des accidents de la circulation par exemple, est fortement liée à ces paramètres. «La somnolence au volant représente un facteur de risque important pour les accidents de la circulation. Une étude réalisée dans un hôpital des Emirats Arabes Unis a montré que les admissions aux urgences pour cause d’accidents augmentent pendant le Ramadan. Le même résultat a été obtenu dans un hôpital saoudien. De même, dans un hôpital londonien les admissions aux urgences des musulmans étaient plus élevées que celles des non musulmans», lit-on dans une étude réalisée par le Pr Roky qui préconise que des mesures préventives soient prises pendant le Ramadan pour prévenir la diminution de la vigilance diurne pendant le Ramadan.

Il s’agit avant tout de préserver la qualité du sommeil. En général, le temps de sommeil est réduit de 2 à 4 heures pendant le mois de ramadan, ce qui affecte la vigilance pendant la journée. Vous remarquerez un état de somnolence presque permanent qui se répercute sur la vigilance et l’attention. On est moins alerte en journée quand on a dormi très peu, c’est bien connu.

Le manque de sommeil entraîne également un état d’irritabilité, d’où des situations de conflit, très souvent sans raison valable, entre des jeûneurs qui manquent de sommeil. Pour ceux qui sont appelés à faire un effort intellectuel important, il faut savoir que le manque de sommeil a un impact important sur la concentration. La performance physique est également altérée et ceux qui doivent faire un effort physique de manière régulière ou occasionnelle vont se sentir plus affaiblis, notamment les deux premières semaines nécessaires à l’adaptation de l’organisme.

C’est pour cette raison que les médecins invitent les jeûneurs à éviter l’activité physique intense surtout en fin de journée.

Alimentation : éviter les excès

L’alimentation n’est pas en reste. Un changement important survient au niveau des habitudes alimentaires, ce qui n’est pas sans influencer la journée de jeûne.

Pendant le mois de ramadan, l’alimentation est basée essentiellement sur des protides et des lipides avec une augmentation sensible de consommation de sucres rapides, d’excitants (thé et café). Les nutritionnistes s’alarment et invitent les jeûneurs à faire preuve de bon sens pour éviter les problèmes de santé et la prise de poids. Selon eux, il faut avant tout veiller à la fréquence des repas qui souvent pendant le ramadan passe à deux fois au lieu de trois. Il est essentiel de maintenir trois repas par jour (f’tour, diner et s’hour) de manière équilibrée. Il ne faut pas oublier de consommer les crudités et de boire beaucoup d’eau, notamment quand il fait chaud et ce sera le cas cette année pendant le mois d’août. Devant une table bien garnie riche en sucre et de gras, on a du mal à se retenir. Donc mieux vaut favoriser des soupes aux légumes, des jus de fruits et de légumes (carottes et oranges ; kiwi, concombre et pommes) au lieu des briouates au fromage, des mlaouis au khl’ii, des briouates aux amandes trempées dans du miel… En tout cas, il faut éviter les excès et varier la nourriture pour apporter à l’organisme les apports dont il a besoin et pas seulement des lipides et des protides en grandes quantités.

Comme nous le disions au début, le changement induit par le jeûne du mois de ramadan dépendra de chacun. Il appartient à chaque personne de faire de cette pratique religieuse, un acte dévotionnel qui amène à la quiétude intérieure. S’il y a des conseils que les médecins répètent à l’approche du mois de ramadan, ce sont bien ceux liés aux excès de table et aux veillées nocturnes dédiées aux soirées entre amis. Le ramadan est une période de recueillement et de piété et pour peu que l’on respecte quelques règles d’hygiène de vie, on évite les troubles de l’alimentation, du sommeil et les petits soucis de santé. Bon Ramadan à tous !

Les conseils du Pr Rocky

«Le premier conseil est de ne pas oublier l’aspect spirituel du Ramadan, An niveau nutrition, il faut garder un apport équilibré en glucides lipides, protéines, fruits et légumes et boire beaucoup d’eau, en évitant les boissons gazeuses. Ensuite, je conseille de garder un sommeil suffisant. La durée du sommeil optimale change d’une personne à l’autre, pour connaitre sa durée optimale il est préférable de prendre comme référence une période de vacances sans contraintes particulières et voir la durée pratiquée et qui permet d’être bien dans la journée. En général, je dirai qu’une grande majorité de personnes ont besoin de 7h à 8h du sommeil. D’autre personnes plus minoritaires peuvent être satisfaits avec 5 ou 6 h de sommeil ou exiger plus de 8h du sommeil. Il existe donc une différence interindividuelle qu’il faut connaitre et respecter. Cette différence ne concerne pas seulement la durée du sommeil mais aussi les horaires. Il existe des gens du matin et des gens du soir. On ne peut pas demander à quelqu’un du soir de dormir à 21h pendant le Ramadan. Le réveil au s’hour est recommandé plutôt pour les matinaux. Les vespéraux qui dorment tard ont du mal à le faire. C’est une histoire d’horloge biologique interne qui elle aussi varie d’une personne à l’autre. Il s’agit donc pour chacun de nous de déterminer sa durée et ses horaires de sommeils optimaux et de les respecter».