
Qui porte la culotte dans un couple ? Les deux, serons-nous tentés de répondre. Car si les rôles ne sont pas clairement définis le jour du mariage, les caractères sauront s’imposer dans le temps et selon les situations.
Dans le couple, la question est redondante. Qui commande, dans quel domaine, à quel moment ? Autant de questions qui gravitent autour de l’union entre un homme et une femme, unis pour mener une vie à deux, et plus, une fois les enfants arrivés. Comment réussir à s’imposer de façon subtile sans que l’autre se sente comme pleinement dominé. Pourtant le rapport de force est inévitable tout comme le lâcher prise. Car comme sur un navire, si les deux se disputent le gouvernail, le périple aura tôt fait de s’arrêter. Et c’est le retour au port assuré. Au Maroc, la complexité est d’autant plus présente. En effet, au sein d’une société aux apparences fortement patriarcales, on aurait tendance à penser que le mâle demeure dominant en toute situation. Bénéficiant d’un statut de référant tant à l’extérieur qu’au sein de sa maison, le mari, le père, le frère ou même le cousin est celui qui prend les décisions, qui fait des choix pour le groupe, qui donne la marche à suivre. Mais comme tout parti unique, ce modèle où l’autorité est exclusive, peut se révéler abusif.
Mais heureusement, les femmes n’ont pas dit leur dernier mot et sont bien décidées à ne pas en rester là. Il est clair, que le domaine domestique, la sphère privée, la vie familiale lui incombent de fait. Oui, même si elle n’en veut pas d’ailleurs, l’épouse, la mère se doit de tenir la barre et de tout mener de front. Pour ce qu’il en est du domaine financier, question autrement centrale, on retrouve la figure du dominant. Mais seulement si monsieur gagne plus que madame. Et comme cela reste souvent le cas… Par contre, la femme se rattrape quant à la gestion, la décision d’acheter ceci ou cela pour la maison. En général, l’acquisition d’un bien immobilier ou d’une voiture, cela reste l’affaire du mari. Bref, une répartition fortement sexuée s’organise au sein du couple. Là où la voix de la femme prévaut également, c’est au sujet de l’entourage familial. C’est plus souvent elle qui organisera qui vient quand, ou bien chez qui se rendre. Que la famille et belle-famille résident dans la même ville apporte un paramètre supplémentaire à gérer afin de satisfaire tout le monde. Dans le cas contraire, la difficulté d’accommoder tout ce petit monde n’aura plus de raison d’être, éloignement géographique oblige. Par contre en fonction des relations qu’elle entretient avec sa famille et celle de son époux, la femme sera en mesure d’exercer une certaine pression dans un sens ou dans l’autre. Mais tout cela se fera, des deux côtés, dans l’art de la négociation. Ou pas. On retiendra surtout qu’il est important de ne pas chambouler certains codes bien ancrés dans la société. De façon à ce que l’homme garde son statut de décideur.
Mâle dominant cherche sa place
Et pourquoi diable est-il indispensable de prendre tant de précautions pour ne pas heurter la figure indéfectible du patriarche ? Pour le rassurer pardi ! Bah oui, c’est pas facile de devoir faire croire à la terre entière qu’on est seul maître à bord. Sans compter qu’il bénéficie de l’aval de toute une société. Jamel Khalil, sociologue, nous explique. «L’environnement social voit d’un œil bienveillant le pouvoir de l’homme. Au début, l’homme pourra s’imposer par rapport à son épouse mais progressivement les choses vont changer. C’est elle qui prendra le pouvoir du fait qu’elle tient plus à sa famille qu’à l’homme. Historiquement, c’est ancré. Alors que pour la mère, la relation s’installe de façon naturelle, innée, pour l’homme tout est à construire. Il devra fabriquer sa relation, travailler sur lui-même pour devenir père. C’est d’ailleurs pourquoi on inventé le patriarcat. Le mâle devient au centre de tout, il prend alors plusieurs femmes pour se rassurer à tous prix. » Une réalité qui ne doit pas nous empêcher, nous, femmes, de ramener notre fraise.
«Au sein du couple, la négociation est alternative»
Entretien avec Jamal Khalil, sociologue.
Vouloir avoir le dessus dans un couple, est-ce normal ?
Dès lors qu’il y a un couple ou même un groupe, une relation de pouvoir s’installe. Cette dernière n’est pas toujours simple à décoder. On ne sait jamais ce qu’il se passe à l ’intérieur du couple. Malgré tout, il y a des indices qui sont mesurables. Notamment à travers le «qui gagne quoi». Si l’ homme travaille, ou bien les deux, s’ils ont des comptes séparés, un compte commun, s’il y a un système d’enveloppe mensuelle. Ces différents types de fonctionnement nous indiquent comment se fait la gestion financière du foyer. Et cette question est déterminante.
Quels sont les différents cas de figure ?
Dans le cas où la femme ne travaille pas, on est dans une configuration traditionnelle. Revient à la femme l’organisation du ménage, l’éducation des enfants, les travaux domestiques. L’homme prend à sa charge tout ce qui concerne l’extérieur, principalement la question financière. Dans le cas où les deux travaillent, la situation est plus intéressante à analyser. Bien souvent, le loyer ou l’acquisition de la maison ou de l’appartement est pris en charge par le mari. Les dépenses courantes comme l’alimentation, l ’achat des fruits et légumes incombent à la femme. Par contre, l’homme pourra acheter la viande. Comme pour le mouton de l’Aïd, c’est l’homme qui s’en charge, quelque soit la catégorie sociale.
La question de la famille demeure centrale au Maroc. En quoi cela concerne le couple ?
Le couple n’étant pas seul, il devra prendre en compte un environnement familial qui a encore un rôle important. Des pressions très fortes peuvent être possibles s’il existe un décalage entre les deux familles. D’un point de vue géographique, c’est-à-dire si les deux familles ne sont pas de la même région, leurs traditions différeront. Idem pour le milieu social. Un décalage pourra susciter des tensions que le couple devra gérer tant à l’intérieur, entre mari et femme, qu’avec leur entourage familial respectif. Actuellement, la société n’offre pas beaucoup de possibilités pour devenir autonome du groupe familial. Au sein du couple, la négociation est alternative. Comme on dit, traditionnellement, c’est l’homme qui commence et c’est la femme qui termine.
Source: FA